Le 24 février dernier s’est déroulé un échange Juniors/Senior 2020 organisé par Experts-Solidaires. A cette occasion, Frédéric Mens, expert international sur les questions relatives à l’agroalimentaire et la sécurité alimentaire dans les pays en développement et membre actif d’Experts-Solidaires, a proposé à deux juniors d’aborder la thématique suivante : « Agroalimentaire, techniques de transformation et ajout de valeur ».
Sélectionnés sur la base de leur motivation, la séance a débuté par un tour de table lors duquel chaque participant a exposé son parcours, ses motivations ainsi que ses projets futurs. Des questions techniques aux questions transversales liées aux grands enjeux du XXIe siècle ont été le fil conducteur de cette interaction d’1h30. Vous trouverez ci-dessous, les grands points abordés :
- Question 1 : Quelles sont les principales faiblesses des entreprises agroalimentaires dans les pays en développement, et quelles sont leurs attentes en terme d’aide internationale ?
Réponse : Tout d’abord, un point évident à souligner est celui des standards. Le standard européen étant pour le moment le meilleur en terme de sécurité du consommateur mais extrêmement difficile à appliquer en Afrique où la qualité sanitaire est très basse. Appliquer les standards européens en Afrique reviendrait à tuer le marché car si on applique les mêmes critères alors on observera une perte énorme en terme de compétitivité. Cependant, il est nécessaire de mettre l’accent sur les fondamentaux. Or la formation des travailleurs est très souvent délaissée dans les projets d’aide internationale. Enfin, un constat redondant mais auquel n’échappe pas l’agroalimentaire celui du problème de la corruption qui se fait sentir notamment au niveau des contrôles.
- Question 2 : La méthode HACCP[1] est-elle applicable aux petites et moyennes entreprises ?
Réponse : Pour rappel, l’HACCP est une méthode qui permet d’analyser les risques que représentent la production d’une entreprise et permet de définir les outils de suivi des risques les plus importants. Tout d’abord, il faut garder en tête que cette méthode n’est pas reproductible d’une usine à l’autre. Cependant, elle peut tout à fait être applicable aux petites et moyennes entreprises. Mais afin qu’elle soit acceptée et appliquée par les entrepreneurs, il faut la présenter sur le volet des pertes financières sinon peu de chances qu’elle soit réellement mise en place. Cette question est avant tout une question d’acceptabilité que d’application. Il faut penser son discours en prenant en compte les intérêts de chaque partie prenante.
- Question 3 : Le changement climatique est-il pris en compte dans les projets d’agroalimentaire dans lesquels vous intervenez ou est-ce encore trop peu pris en compte ?
Réponse : La question du changement climatique émerge réellement depuis environ 5 ans mais il s’agit de questionnements qui restent encore superficiels. Il est nécessaire d’aller vers des méthodes de productions qui se dé-mécanisent et ne pas amener l’Afrique vers une mécanisation à outrance sur la base de modèles qui sont aujourd’hui dépassés. Il faut notamment utiliser des technologies dites low tech et qui sont simples à réparer pour les individus afin qu’ils ne soient pas dépendants d’acteurs externes. Cela permet d’assurer une certaine durabilité des actions menées.
- Question 4 : Comment assurer la pérennité des projets ?
Réponse : Le changement doit vraiment venir des bénéficiaires. Il faut garder en tête qu’ils connaissent mieux leur travail que nous et que notre rôle est avant tout un rôle d’accompagnant. Finalement, ce qu’on leur donne c’est du temps pour prendre du recul afin de bien cerner la demande ou le problème. Les analyses de marché ne sont pas suffisamment développées et notre travail se situe entre l’élaboration de Business Plan et l’apport technique. On doit pouvoir répondre à ces questions : Quel est votre problème ? Pourquoi ? Pour quel marché ? Réaliser un business plan est donc une des conditions nécessaires à la pérennité d’un projet. Agir sous l’approche d’accompagnement et non de contrainte en est également une autre.
- Question 5 : La transformation d’un premier niveau ne devrait-elle pas être réalisée par des petites et moyennes entreprises ?
Réponses : Les premières étapes sont essentielles et souvent les plus dures notamment sur les questions de stockage. En effet, éviter les moisissures représentent est une étape clé afin d’assurer un certain niveau de qualité sanitaire. On peut prendre l’exemple du séchage solaire qui est rarement adapté en Afrique contrairement aux idées reçues. De plus, un séchage mal réalisé permet aux micro-toxines de se développer. Les micro-toxines sont particulièrement dangereuses car elles n’ont pas d’effet sur le corps sur le court terme. Néanmoins, le fait d’en consommer sur le long terme favorise nettement le développement de cancer. C’est donc un point sur lequel il faut particulièrement être vigilent. En effet, un risque sanitaire qui présente des effets immédiats sera rapidement pris en compte. Ce qui n’est pas le cas pour les micro-toxines. Finalement, il y a peu de valeur ajoutée faîte en Afrique mais c’est évidemment un point sur lequel il faut travailler afin de mieux rémunérer les acteurs présents au début de la chaîne agroalimentaire.
Au mois d’avril, de nouveaux échanges auront lieu avec des experts aux domaines de compétences variés. Pour plus d’information, veuillez contacter Inès HIZEBRY à l’adresse mail suivante : ihizebry@experts-solidaires.org ou au 06.43.56.39.94.
[1] La méthode HACCP, acronyme de « Hazard Analysis Critical Control Point » est un outil permettant d’identifier, évaluer et maîtriser les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments.